Traiter les patients difficiles

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Principes généraux relatifs aux traitements des patients difficiles dont la fonction cognitive est intacte


En tant que soignant professionnel, nous devons souvent nous dévouer “corps et âme” pour nos patients.  C’est très valorisant de savoir à quel point nos patients apprécient et qu’ils nous témoignent leur reconnaissance. Toutefois, ce n’est pas le cas pour tous les patients, certains d’entre eux tiennent pour acquis toute cette aide que nous leur offrons.  Normal de s’emporter quand on sait que la colère naît de la frustration.

De plus, il est aussi normal d’éprouver de la colère chaque fois que quelqu’un ou quelque chose cherche à nous blesser ou nous effrayer.  La colère, comme toute autre émotion, naît de façon spontanée et subite; en sorte une réaction involontaire de notre subconscient.  Au fil du temps, la colère a permis la survie de l’espèce. Elle nous donne le courage et l’énergie nécessaires pour surmonter les obstacles.  On a peine à imaginer ce qui pourrait survenir dans le cas d’une mère n’ayant pas la capacité d’éprouver un sentiment de colère, par exemple, si un animal sauvage devait s’emparer de son enfant!

Aussi, comme toute autre émotion, la colère incite à agir.  La colère, sous forme d’émotion, déclenche des comportements de nature agressive.

Éprouver de la colère envers les patients qui ont des troubles de comportements abusifs est une réaction  normale.  Par contre, retourner cette agressivité à leur endroit est un geste inacceptable. La difficulté à reconnaître nos propres agissements agressifs envers le patient pourrait trouver son explication par le fait de ne pas toujours être conscient de cette colère qui nous habite.

La colère ressentie par le soignant professionnel peut se manifester de multiples façons telles : lenteur à répondre à une sonnette d’appel; accueillir le patient de façon inappropriée; donner des soins sans demander d’abord le consentement et faire preuve de rudesse excessive. Sans compter que notre ton de voix se veut également un signe d’un comportement agressif.

Alors, comment pouvons-nous contrôler notre comportement colérique?  La maîtrise de soi s’améliore avec de la maturité et de la pratique. Mais en réalité il n’en demeure pas moins qu’il est très difficile de contrôler un sentiment de colère;  on pourrait expliquer ce phénomène par le fait que sous l’objet de la menace notre système se met en mode « combat ou fuite ».

La réaction de combat ou de fuite produit plusieurs changements physiologiques dans notre organisme et nous prépare soit à lutter contre un assaillant, ou nous incite à la prudence en prenant la fuite.  D’autres changements peuvent être perceptibles soit l’augmentation de la fréquence cardiaque, la respiration et la pression artérielle.  Le flux sanguin s’éloigne de certains organes, tels que l’estomac et les intestins, et se propulse plutôt vers les muscles principaux des bras et des jambes (essentiel pour combattre et courir) et vers la peau (permettant un meilleur refroidissement lors d’efforts physiques importants).  Fait moins connu cependant est que le flux sanguin s’éloigne aussi des zones du cerveau en mode de combat ou fuite. En effet, une grande partie de celui-ci n’est pas sollicité en mode combat ou pour la course – seuls la moelle épinière et le cervelet le sont.

La réduction du flux sanguin vers le cerveau fait en sorte que nous nous comportons momentanément de manière ridicule sous l’effet de la colère.  Notre niveau de quotient intellectuel (QI) baisse!  Prendre des décisions sur la façon de se comporter, quoi faire ou quoi dire sous l’emprise de la colère est à éviter.  Rappelez-vous que la colère est mauvaise conseillère!

Comment contrer un comportement colérique lorsque nous ne pouvons exercer un certain contrôle au niveau de nos propres émotions?  Et qu’en est-il lorsque la colère nous envahit et affaiblit notre capacité à penser clairement?

La réponse : évitez les situations qui vous mettent en colère. Apprenez à vous éloigner des situations tendues lesquelles peuvent donner lieu à des incidents colériques, avant de vous mettre vous-même en colère. Aussi, dès que le patient démontre des signes de violence, abordez-le calmement.  Vaut mieux utiliser des mots tels : « Je reviendrai quand vous vous sentirez mieux » et puis vous en aller.  Après un délai de quelques minutes, retournez auprès de lui et assurez-vous qu’il «se sente mieux» et qu’il est maintenant plus conciliant.  Si ce n’est pas concluant, on procède de nouveau en utilisant chaque fois les mêmes mots (technique bien connue sous le nom « broken record ».

Un autre volet tout aussi important consiste à ne pas se dévouer outre mesure, par exemple, dans le cas de certains patients qui pourraient tirer avantage de cette situation.  Soyez également soucieux de l’attention que vous prodiguez à vos patients; il faut savoir garder un  juste-milieu.

Ne pas tenir compte de ce conseil est passible de faire surgir en nous des sentiments de colère envers certains patients. Il ne faut pas oublier que ceux-ci peuvent ressentir nos états d’âme sans pour autant en être conscient. Ils se sentiront victimes de notre agressivité et auraient raison de croire qu’ils sont traités avec moins d’égards lorsque nous agissons sur le coup de la colère que lorsque nous sommes calmes.

Les attitudes sont importantes. Si nous pouvons accepter notre propre colère comme étant une réaction normale sur le coup de la peur ou de menace, nous devons également accepter que le patient puisse, lui aussi, éprouver de la colère dans un contexte menaçant.  Devoir contrôler l’agressivité n’est pas une chose évidente autant pour nous que les patients.  Mais en tant que soignant professionnel, il est de notre devoir de fournir tous les efforts et l’énergie nécessaires afin d’éviter des situations menant tout droit à des comportements agressifs de notre part.

Il va sans dire que nous n’exerçons aucun pouvoir pour modifier le comportement d’autrui, seulement le nôtre.  D’où l’importance de développer une approche qui nous est propre (pas nécessairement une approche utilisée par d’autres) et l’utiliser de manière systématique.  L’important est la régularité.  Le patient sera alors en mesure d’apprendre ce qu’il doit faire (ou ne pas faire) afin d’obtenir des soins adéquats et de qualité auxquels il a droit.

Nous nous attendons de la part des patients dont la fonction cognitive est intacte qu’ils puissent assumer la responsabilité de leur comportement, à même titre que nous assumons le nôtre. Ce principe peut avoir des  contrecoups par exemple:

  • Quand un patient nous menace sous forme de violence physique (un acte criminel), nous devons lancer un appel en utilisant le code blanc.
  • Cacher des médicaments (par exemple, soit en les écrasant, les ajoutant au jus ou les mélangeant dans la confiture du patient sans l’en informer au préalable) est un indice révélateur comme quoi nous nous portons responsables du comportement du patient et non l’inverse.  (A noter cependant que ce moyen peut s’avérer utile chez les patients atteints de démence).
  • Quand un patient dont la fonction cognitive est intacte refuse un médicament ou un traitement,  nous devons reconnaître qu’il est dans son droit le plus légitime. Notre responsabilité à cet égard est de s’assurer que le patient est  pleinement conscient des répercussions sur sa santé en refusant toute médication ou traitement. Généralement, la personne qui autorise le traitement du patient est la personne responsable de l’en informer.
  • Lorsque le patient émet une plainte contre nous, nous devons également reconnaître qu’il a un droit légal de le faire.
  • Dans le même ordre d’idée, expliquer au patient la procédure à suivre pour loger sa plainte et l’aider au besoin (en lui procurant un crayon et papier à lettre dans le cas, par exemple, d’un patient confiné au lit); pourrait être considéré une initiative appropriée dans les circonstances.

Tout ceci requiert à la fois une bonne planification et une bonne dose d’apprentissage.  Si vous faites partie d’un personnel soignant qui travaille individuellement, recherchez l’appui et la collaboration d’un partenaire ou mentor. Ce faisant, vous aurez une vue d’ensemble éclairée sur les approches à privilégier avec certains patients. Nous sommes d’avis que les réunions d’équipe sont d’excellentes opportunités pour le partage des expériences et méthodes d’intervention   propres à chacun, et qui ont fait leurs preuves.

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